Les os des filles


Line Papin



4e de couverture :
« Tu avais dix-sept ans alors, à peine, et tu as pris l’avion, seule, pour retourner à Hanoï. Tu vois, j’en ai vingt-trois aujourd’hui, et je retourne, seule, une nouvelle fois, sur les lieux de ton enfance. Tu es revenue et je reviens encore, chaque fois derrière toi. Je reviendrai peut-être toujours te trouver, trouver celle qui naissait, celle qui mourrait, celle qui se cherchait, celle qui écrivait, celle qui revenait. Je reviendrai peut-être toujours vers celle qui revenait, vers les différents coffrets d’os, vers les couches de passé qui passent toutes ici. »


L’auteur :
À tout juste vingt-quatre ans, Line Papin fait déjà figure de star de la littérature française, mais ce qui fait courir les paparazzis de Voici et Gala, c’est plus certainement sa liaison avec Marc Lavoine (père d’une fille de 21 ans). Heureusement, ce ne sont pas les seuls magazines à parler d’elle.
Cette jeune autrice naît à Hanoï, le 30 décembre 1995, d’une mère vietnamienne traductrice et d’un père français historien. Elle y passe les dix premières années de sa vie, entre le milieu des ambassades et celui, plus populaire, de sa famille maternelle, avant de déménager pour la France.
Marquée par ce déracinement, elle passera une période difficile, souffrant d’anorexie et de trouble du comportement. Ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre brillamment ses études avec une hypokhâgne et une khâgne en classe préparatoire de littérature, puis en histoire de l’art et du cinéma.
Dès son arrivée en France, l’écriture sera son échappatoire et, durant sa maladie, sa bouée de secours. Son premier roman, L’éveil, paraît en août 2016 et reçoit plusieurs prix dont le Prix de la Vocation, le Prix des Lauriers Verts et le Prix du premier roman de la revue Transfuge.
Les os des filles est son troisième roman. Moins dans la fiction que les précédents, il est à caractère autobiographique.


Mon avis :
Mêlant l’histoire récente du Viêt Nam à travers celle de sa famille et souvenirs personnels, ce court roman construit comme un dialogue entre l’écrivaine d’aujourd’hui et la petite fille blessée qu’elle a été surprend d’abord par sa forme. L’auteur passe de la narration à la troisième personne à un monologue où « je » est sujet, puis s’adresse d’un « tu » familier à l’enfant d’hier. Si cette forme peut être légèrement déroutante dans un premier temps, on est vite séduit par cette plume vive, parfois sèche, mais toujours élégante, qui retransmet avec méticulosité les émotions d’une jeune déracinée.
L’exercice aurait pu dégager les remugles d’un déballage plus ou moins thérapeutique, mais il n’en est rien. Sans doute justement grâce à cette forme narrative où l’autrice est alternativement témoin, complice et actrice de son histoire, l’introspection garde une certaine retenue. On ne ressent aucune complaisance envers la douleur. Paradoxalement, si les blessures les plus intimes ne sont pas étalées crûment à la face du lecteur, le trait est précis, sans fioriture ni fausse pudeur. Avec l’aspect brut du langage d’une petite fille de dix ans, parfois, puis un peu plus dans l’analyse au fur et à mesure que la narratrice avance en âge.
On retiendra aussi qu’il s’agit d’un livre de femmes… Non pas féministe à la manière militante, mais bien plutôt féminin, de manière matriarcale. Les hommes, maris, pères, oncles, ne sont d’ailleurs qu’évoqués dans ce roman où l’histoire se transmet de mère en fille. Encore que pour Line, la sienne n’étant pas vraiment présente pour elle, c’est par sa grand-mère, Ba, que se fait la filiation.
Moi qui préfère généralement les romans d’imagination aux récits autobiographiques, ce petit livre m’a réellement séduit, autant par le récit de cette tranche de vie qui m’a donné une autre image du Viêt Nam que par la plume élégante et sobre de Line Papin. Tout juste pourrais-je lui reprocher d’être un peu « trop sage », si de temps en temps un mot un peu plus populaire ou une image un tantinet incongrue ne venait déranger, comme un clin d’œil malicieux, l’impeccable structure des phrases.
Si vous aimez la belle écriture, Les os des filles devrait satisfaire votre appétit littéraire, alors, n’hésitez plus !

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