Céline Minard
4e de couverture :
Cosmonaute, Jaume Roiq Stevens accomplit diverses missions dans une station spatiale en orbite autour de la Terre, quand soudain est ordonnée depuis la base en raison d’un incendie. Refusant d’obéir, il demeure seul à bord pendant quelques mois, le temps d’observer une série d’étranges phénomènes terrestres, mais le silence radio persistant le force à rentrer.
De retour à la base, bien des surprises l’attendent : la Floride apparaît désertée de tous ses habitants, dont les vêtements gisent abandonnés, comme après une inexplicable catastrophe. Les animaux, eux, semblent avoir retrouvé leur liberté. Stevens doit se rendre à l’évidence : l’espèce humaine a disparu. Fou de désespoir et comme possédé par une sorte d’ivresse schizophrénique, il entreprend alors, des plaines d’Asie centrale à la Chine, en passant par l’Inde, l’Alto Paraná et l’Afrique, un voyage hallucinant dans l’espace mais aussi dans le temps et la culture de tous ces mondes disparus.
Mêlant suspense et poésie, cette odyssée du dernier homme sur la Terre emprunte avec une étonnante puissance verbale à la technologie contemporaine comme aux plus anciennes sagas de l’humanité.
L’auteur :
Voir Faillir être flingué
Mon avis :
Du même auteur, j’avais lu, il y a quelques mois, le flamboyant western Faillir être flingué, et j’en avais dit le plus grand bien. Le dernier monde est cité comme le roman qui a fait connaître Céline Minard au grand public. Dans ce dernier, elle reprend le thème du roman Le nuage pourpre, de l’écrivain britannique Matthew Phipps Shiell, publié en 1901, soixante-quinze ans après Le dernier homme, de Mary Shelley, et plus de cinquante ans avant Je suis une légende, de Richard Matheson (1954). En 1805, Cousin de Grainville avait déjà abordé le thème de la fin de l’humanité avec un titre similaire au roman de Mary Shelley, et plus récemment, on pourrait aussi citer cet autre « dernier homme » de la Canadienne Margaret Atwood. J’en oublie certainement, et je ne serais pas étonné si cette année 2020 et son coronavirus poussent quelques auteurs à traiter du même sujet…
Mais revenons à celui qui nous intéresse ici. Céline Minard, en le modernisant (l’action se déroule de nos jours), reprend le cheminement du roman de M.P. Shiell, et l’histoire de cet homme qui, dernier humain vivant sur terre, sombre dans une espèce de folie rédemptrice et cherche à racheter tous les « péchés » de l’humanité. Si l’on en croit les critiques (je n’ai pas lu cet ouvrage) Le nuage pourpre est un roman assez médiocre, plein d’invraisemblances et d’approximations, et bourré de références bibliques sur un mode assez manichéen. Le dernier monde, s’il reprend la trame narrative du précédent, en corrige largement les défauts. Du moins, une fois qu’on a accepté, par convention, l’incompréhensible (et inexpliquée) disparition de la race humaine dont on ne retrouve aucun cadavre. Contrairement au héros de Shiell, Jaume Roiq Stevens n’est pas sous l’influence de prédicateur illuminé ; il ne se réfugie pas derrière une pensée binaire où le Bien et le Mal le pousseraient tour à tour à faire telle ou telle chose. Non, chez lui, la schizophrénie dans laquelle il sombre lui offre un peu plus de compagnons imaginaires, et ensemble, ils convoquent bien plus de Dieux, plongeant aux racines mêmes de l’humanité, selon les pays visités. Ce qui ne l’empêche pas se suivre le même chemin de « rédemption » en cherchant, dans un premier temps, à détruire ce que l’homme a construit.
Je le répète, je n’ai pas lu le roman de M.P. Shiell et je ne peux en juger que par rapport à ce qu’il en a été dit. Sur ces bases, je dirais que Céline Minard a majestueusement réussi cette « reprise » du Nuage pourpre. Son roman est traversé par un souffle de poésie épique parfois digne des grands textes de la Mythologie antique. Cependant, quand je lis que Le dernier monde est le roman qui l’a fait connaître du grand public, je ne peux m’empêcher de penser que ce grand public-là a quelque chose de très germanopratin !
Du moins, si l’on considère que le grand public est celui qui fait vivre de leur plume les auteurs les plus « bankable » du moment. Et dans ce cas, on a affaire à un texte un peu trop érudit pour être facile d’accès, et surtout, cette plongée dans le voyage schizophrénique du héros peut avoir quelque chose d’un peu dérangeant, sans compter que ce dernier, en changeant de personnalité, impose au lecteur un effort supplémentaire pour comprendre qui fait la narration. Personnellement, si j’ai apprécié les qualités de ce bouquin, je l’ai trouvé souvent difficile à suivre. On n’a pas toujours envie de se frotter à la folie, même si celle-ci ne manque pas de lyrisme.
Il est vrai qu’il m’a laissé une impression mitigée, mais je l’ai lu en temps de canicule… Il est sans doute préférable d’être dans de meilleures conditions de bien-être pour aborder un livre comme celui-ci. Alors, si vous ne craignez pas de vous égarer dans les méandres de l’esprit humain, et même si vous n’habitez pas le sixième arrondissement de Paris, ce roman ne manque d’intérêt, tant du point de vue purement littéraire que de celui du débat d’idée et de l’enrichissement des connaissances. Plus que de la disparition de l’humanité, c’est de ces fondements et de notre rapport au reste du monde vivant dont nous parle Céline Minard. Et treize ans après sa première parution, ce roman n’a jamais été autant d’actualité !
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