10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange

 

Elif Shafak

Flammarion. 2019 (2020 pour la France).

Traduit de l’anglais par Dominique Goy-Blanquet.






4e de couverture :

Et si notre esprit fonctionnait encore quelques instants après notre mort biologique ? 10 minutes et 38 secondes exactement. C’est ce qui arrive à Tequila Leila, prostituée brutalement assassinée dans une rue d’Istanbul. Du fond de la benne à ordure dans laquelle on l’a jetée, elle entreprend alors un voyage vertigineux au gré de ses souvenirs, d’Anatolie jusqu’aux quartiers pauvres les plus mal famés de la ville.

En retraçant le parcours de cette jeune fille de bonne famille dont le destin a basculé, Elif Shafak nous raconte aussi l’histoire de nombre de femmes dans la Turquie d’aujourd’hui. À l’affût des silences pour mieux redonner la parole aux « sans voix », la romancière excelle une nouvelle fois dans le portrait de ces « indésirables », relégués aux marges de la société.



Mon avis :

Elif Shafak est une autrice turque qui vit à Londres, d’où elle écrit des romans aussi bien en anglais qu’en turc, mais c’est bien souvent la Turquie en général et Istanbul en particulier qui forment les lieux de ses écrits. Sans doute parce qu’elle n’a de cesse de donner sa voix aux femmes et aux minorités de ce pays, et à tous ceux qui sont en désaccord avec la politique et le discours officiel du gouvernement.

La première partie de ce roman, celle qui lui donne son titre, est plus descriptive : avant de s’éteindre complètement, la conscience de Tequila Leila lui permet de revivre quelques événements marquants qui ont jalonné son existence. Par ce biais, l’autrice présente les cinq amis de la morte au lecteur. C’est à partir de la deuxième partie qu’on les rencontre vraiment, puisqu’on passe de cette conscience qui s’éteint à la narration d’un moment de vie de ces cinq personnages pas exactement « dans la norme ».

Bien sûr, j’ai apprécié la qualité d’écriture de la première partie, mais pour moi, Elif Shafak excelle particulièrement quand elle fait vivre ses personnages au présent, et je trouve que le roman prend réellement son envol à partir de là. Certes, on ne saurait se passer du début qui nous apprend ce que l’on a besoin de savoir sur les cinq amis de Leila et sur Leila elle-même, dont l’enfance ne manque pas de piquant, et l’on s’attache très vite à cette fillette curieuse de tout, à la fois rêveuse et fantasque. L'ensemble est porté par la plume précise et élégante d’Elif Shafak… Mais il est vrai que mon plaisir est multiplié dès que je suis les tribulations des cinq amis dans leurs extravagances. J’ai soudain l’impression qu’il se met alors à souffler un salutaire vent de liberté. Et ce vent-là, il n’y a pas qu’en Turquie qu’on en a besoin !



 




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