Retombées de sombrero / Un privé à Babylone

 Richard Brautigan

Christian Bourgeois Éditeur. Collection Littérature étrangère.







4e de couverture :






Il n’y en a pas, alors voici un rapide résumé :








1— Retombées de sombrero, publié en 1980 aux États-Unis, se déroule en deux parties. L’une se passe dans la corbeille à papier d’un humoriste américain où le début d’une histoire ratée se poursuit en dehors de sa volonté ; l’autre nous narre les états d’âme de l’humoriste en proie au désespoir depuis que sa petite amie japonaise, Yukiko, l’a quitté. Les deux parties s’entremêlent dans une succession de séquences brèves qui s’imbriquent subtilement jusqu’au dénouement.

2— Un privé à Babylone (1981) met en scène un détective privé (vous l’aurez deviné) rêveur, C. Card, dans une sombre affaire de cadavre volé. L’histoire se passe dans le Los Angeles de 1942, à l’heure où l’Amérique rentre en guerre. Cela ressemble à un roman noir, mais dépasse largement la barrière des genres.


Mon avis :





Si vous n’avez jamais lu un ouvrage de Richard Brautigan et que vous n’avez pas l’âme d’un aventurier prêt à défricher de nouveaux territoires de la littérature, suivez mon conseil, commencez ce livre par sa deuxième partie : Un privé à Babylone. Ou pas.

Moi, ignorant ce qui m’attendait, j’ai bien sûr entamé ma lecture par les premières pages, celles de Retombées de sombrero… Je ne saurais dire ce qui m’a le plus déconcerté, au départ : d’une part, il y a l’apparente désinvolture de ce récit où l’on se demande ce qui, entre l’histoire qui s’écrit toute seule au fond d’une corbeille à papiers et les élucubrations de l’humoriste délaissé, gagne sur l’autre en folie ; d’autre part, il y a le style, et surtout les tournures de phrases parfois aussi alambiquées que le récit lui-même !

Au cours d’une longue soirée d’insomnie, l’humoriste erre dans son appartement, entre le téléphone qu’il n’ose décrocher pour appeler son amie japonaise et son réfrigérateur vide. Son plus vif désir : renouer avec son amante Yukiko qui, à quelques rues de là, dort et rêve, bercée par les ronronnements de son chat. Et pendant ce temps, les pages déchirées du début d’une histoire que l’humoriste a jetées à la corbeille prennent vie et plus l’auteur s’enfonce dans ses regrets et sa frustration, plus ce début de fiction devient chaotique et violent, comme le reflet de son désespoir.

Les chapitres sont courts, voire très courts, et s’enchaînent en alternant entre les états d’âme de l’humoriste, les divagations oniriques de la belle japonaise et la folie qui s’est emparé du récit inachevé. Le lecteur passe du délire burlesque au drame intimiste dans un « grand huit littéraire » où se succèdent satire sociale gueularde et revendicatrice, humour proche de l’absurde et nostalgie poétique.

C’est décalé, certes, pas très facile d’abord, il est vrai, mais c’est brillant, complètement déjanté et à cause de ça, forcément jubilatoire.

Un privé à Babylone, dans sa forme, paraît tout de suite plus classique… Façon roman noir américain. On pense à Dashiel Hammett ou Raymond Chandler. Pas longtemps ! Richard Brautigan est un emblème de la contre-culture, il ne peut se contenter d’écrire juste un polar. Il est aussi un être profondément déprimé, et sa noirceur hante ses récits. Son personnage central, C. Card est un héros, mais seulement dans sa tête, à Babylone. Dans la vie de tous les jours, il est le plus incroyable loser de San Francisco, peut-être même de toute l’Amérique, et pourquoi pas, allons-y carrément, du monde entier ! Mais il est le plus magnifique joueur de base-ball, le plus grand détective privé de Babylone. C’est pour cela qu’il aime autant y retourné, à Babylone. C’est à cause de Babylone qu’il foire tout ce qu’il entreprend.

Cet engagement qu’une mystérieuse femme blonde propose à C. Card, alors qu’il est au plus bas, l’entraîne (et le lecteur à sa suite) dans une rocambolesque affaire de vol de cadavre dont on ne saura jamais vraiment le pourquoi. Peu importe ! Elle n’est qu’un prétexte, pour l’auteur. Ce qui importe, ce n’est pas tant ce que vit C. Card, mais lui-même, et son incapacité à affronter le quotidien. Est-ce, comme il le pense, parce qu’il est sans cesse rattrapé par Babylone qu’il loupe tout ce qu’il entreprend, ou bien pour oublier ses échecs qu’il fuit le présent en se projetant dans ce Babylone fantasmé où il peut vivre en héros ? Là encore, Brautigan laisse au lecteur le soin de se faire sa propre opinion. Reste un texte d’une grande fantaisie qui ne manque ni de poésie ni d’humour.

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