Dario Diofebi
Albin Michel. 2023.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Paul Matthieu.
4e de couverture :
« Tel est le premier paradoxe de Las Vegas : l’hôtel-casino de luxe Positano était le cœur battant de l’euphorie du vendredi soir, et c’était aussi notre chez-nous. Érigé en plein centre du strip, la ville s’enroulait tout autour en une spirale concentrique où se côtoyaient la magie et la banalité, boîtes de strip-tease et résidences d’étudiants, stands de tir et magasins Walmart, pistes d’atterrissage pour jets privés et arrêts de bus menant à de lointaines banlieues plongées dans le silence et le désespoir. Impossible pour nous d’expliquer ce qui s’est passé le soir de l’incendie sans poser d’abord ce fait établi, à savoir qu’une ville peut être à la fois fiction et réalité, paradis et vrai lieu de vie. Nous tous ici devant en prendre la mesure, tôt ou tard.
Mon avis :
Le flop, c’est l’ensemble des casinos, les joueurs et les travailleurs de ce monde de paillettes ; le turn est représenté par les syndicats et les grands patrons des salles de jeux ; la river, c’est le rêve que tout un chacun se fabrique avec les cartes qu’il a en main. Et avec ce premier roman, Dario Diofebi a une main de maître !
Ses personnages ne sont pas aussi nombreux que les cartes d’un jeu de poker Texas Hold’hem, mais ils le sont suffisamment pour raconter cette partie truquée qui est l’âme même de Las Vegas. Et l’auteur sait de quoi il parle, il a été lui-même joueur professionnel. Mais à travers le poker et le destin croisés de quelques protagonistes, c’est le rêve américain qu’il interroge, avec un regard d’européen revendiqué par le biais de l’un de ses « héros », Tommaso, l’italien un peu timoré, arrivé à Végas presque par hasard et devenu clandestin malgré lui.
Le récit est dense, tant par ses qualités narratives que par le nombre d’acteurs et leur particularité, leur personnalité bien marquée. Cela fait partie de ce qui le rend captivant de bout en bout, que l’on connaisse le jeu de poker ou pas. D’ailleurs, il serait dommage que cette mise en avant du jeu rebute les lecteurs, l’histoire va bien au-delà et tous les personnages ne sont pas des joueurs ; on rencontre pêle-mêle le patron du Positano et ses portes-paroles, une jeune journaliste mormone qui tente de percer et son frère qui n’en finit pas d’écrire une thèse, une ex-mannequin devenue serveuse dans un casino et sa tante, un youtubeur, des étudiants, un escroc et un tas de gens qui font se qu’ils peuvent pour garder la tête hors de l’eau. Bref, dans cette liste non exhaustive, un microcosme de la société américaine !
Vous l’aurez compris, il s’agit d’un roman choral, où tous ont leur moment de soli. On passe d’un personnage à l’autre et les liens qui les unissent se découvrent petit à petit. D’ailleurs, sans divulguer quoi que ce soit, Las Vegas elle-même n’est-elle pas ce lien ?
Personnellement, j’ai dévoré les plus de six-cent pages sans jamais m’essouffler ni me lasser. Il n’y a pas de temps mort, les protagonistes sont clairement identifiables, les situations sont fort bien décrites et détaillées. À la rigueur, on peut lui reprocher d’être un peu trop didacticiel quand l’auteur parle du poker, mais le reste est tellement envoûtant qu’on lui pardonne volontiers. En refermant cet ouvrage, je suis prêt à miser sur cet auteur et j’ai hâte de découvrir son prochain livre.
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