Éric Fottorino
Gallimard Éditeur.
2021
4e de couverture :
Brun va mourir. Il laissera bientôt ses terres à son fils Mo. Mais avant de disparaître, pour éviter la faillite et gommer son image de pollueur, il décide de couvrir ses champs de gigantesques éoliennes. Mo, lui, aime la lenteur des jours, la quiétude des herbages, les horizons préservés. Quand le chantier démarre, un déluge de ferraille et de béton s’abat sur sa ferme. Mo ne supporte pas cette invasion qui défigure les paysages et bouleverse les équilibres entre les hommes, les bêtes et la nature. Dans un Jura rude et majestueux se noue le destin d’une longue lignée de paysans. Aux illusions de la modernité, Mo oppose sa quête d’enracinement. Et l’espoir d’un avenir à visage humain.
Avec Mohican, Éric Fottorino mobilise toute la puissance du roman pour brosser le tableau d’un monde qui ne veut pas mourir.
Mon avis :
À travers trois générations d'agriculteurs jurassiens, Éric Fottorino raconte le monde paysan et son évolution. Son récit est même, en quelque sorte, un plaidoyer pour ces hommes et femmes (ces hommes, surtout !) dont la politique internationale a voulu forcer le destin et qui sont aujourd’hui invisibilisés par la société. Son écriture se révèle assez poétique, notamment lorsqu’il décrit les paysages dans lesquels vivent ses personnages. Et c’est, pour moi, ce qui sauve ce roman.
Oui, Mohican reste plaisant à lire : comme dit plus haut, la nature est superbement évoquée ; le grand-père, qui revient dans les souvenirs de Brun, Brun lui-même, ce père taiseux et entêté et Mo, le fils, sans oublier le frère de Brun qui ne sait plus parler, tous sont assez intéressants et l’on suit leur histoire sans décrocher ; mais cela ne suffit pas !
On remarque d’emblée l’absence de personnage féminin ; il y a bien la mère de Mo, décédée quand il était encore jeune, mais qu’il fait revivre fréquemment, et cette femme, qu’il aurait pu épouser, et qui réapparaît brièvement, puis dans les dernières pages, cette Suissesse, promesse d’un avenir que le lecteur ne connaîtra jamais, mais le monde paysan de Fottorino est essentiellement masculin. C’est dommage, quand on connaît un peu le milieu des agriculteurs et le rôle qu’y ont les femmes…
Mais ce n’est pas ce qui m’a le plus gêné dans cette lecture. Ce qui pour moi fait défaut, c’est le manque de sang. Attention ! Je ne parle pas de l’hémoglobine qui coule à longueur de page dans les thrillers ou autres romans policiers, je parle du liquide vital qui coule dans nos veines. Et je trouve que les personnages de Fottorino en manque singulièrement, pour des paysans. J’ai le sentiment qu’à trop vouloir parler des difficultés de ce monde et de la méchante machine mercantile qui les écrase (qu’il ait raison ou tort n’est pas le sujet), l’auteur a fait de ses personnages des espèces d’avatars censés représenter l’ensemble des travailleurs de la terre, et de ce fait, malgré le passé qu’il leur a donné, les rend peu crédibles.
À n’avoir pas su choisir entre roman paysan et pamphlet anti-système, Éric Fottorino laisse le lecteur sur sa faim. On peut se consoler en se disant qu’il soulève quelques interrogations salutaires, mais dans l’ensemble, il ne nous apprendra pas grand-chose. Reste son écriture agréable et pleine de poésie.
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