Le Rire du grand blessé

 

Cécile Coulon

Viviane Hamy. 2013.







4e de couverture :

Pays : Inconnu
Régime : Totalitaire
Ennemi Public n0 1 : La littérature
Numéro : 1075 / Particularité : Analphabète

Seuls circulent les livres officiels. Le choix n’existe plus. Le « Grand », à la tête du Service National, a mis au point les « Manifestations À Haut Risque », lectures publiques qui ont lieu dans les stades afin de rassembler un maximum de consommateurs. Peuvent alors s’y déchaîner les passions des citoyens dociles. Des Agents de sécurité − impérativement analphabètes − sont engagés pour veiller au déroulement du spectacle et maîtriser les débordements qui troublent l’ordre public.

1075, compétiteur exceptionnel, issu de nulle part et incapable de déchifrer la moindre lettre, est parfait dans ce rôle. Il devient le meilleur numéro ; riche, craint et respecté. Jusqu’au jour où un molosse − monstre loué pour palier les défaillances des Agents − le mord. À l’hôpital, où on le dorlote pourtant comme un bébé, sa vision bascule.

Le rire du grand blessé est l’histoire féroce, jubilatoire, d’une société qui porte aux nues la Culture du Divertissement.



Mon avis :

J’ai déjà donné mon avis (pas forcément sur ce site) sur certaines productions de Cécile Coulon qui est l’une des autrices actuelles que j’apprécie le plus. À commencer par Le roi n'a pas sommeil, celui par lequel je l’ai découverte.

Le Rire du grand blessé est assez déroutant, de prime abord. Du moins, par rapport aux autres de ses romans que j’ai lus. Ici, nous ne sommes plus dans quelque endroit qui nous semblerait familier, mais dans un pays imaginaire et dans une époque indéterminée, peut-être bien futuriste : une sorte d’anticipation dystopique. Seul le thème pourra nous paraître déjà vu : il s’agit d’une société où le livre est sous stricte contrôle, ce qui ne manquera d’évoquer le roman de Ray Bradbury, Fahrenheit 451.

On entend souvent que les mots sont des armes, et cette affirmation est généralement liée à une idée de résistance face à l’oppression, de combat contre le totalitarisme… Mais si, au contraire, c’était une société totalitaire qui utilisait les livres comme une arme de soumission ? C’est de cela dont il s’agit dans ce court roman de Cécile Coulon.

Si l’on a en tête la référence citée plus haut, Le Rire du grand blessé paraît bien léger avec ses quelque cent-cinquante pages, et j’ai même l’impression qu’il est plus proche de l’exercice de style que d’un roman fini. Je comprends tout à fait qu’un écrivain s’interroge sur un monde sans littérature et reprenne à son compte l’idée développée par Bradbury, mais sur ce thème, est-il possible de faire autre chose qu’une variation de ce chef-d’œuvre qu’est Fahrenheit 451 ?

Certes, on retrouve tout le talent de Cécile Coulon pour créer des personnages, et 1075, malgré son côté un peu monolithique, n’échappe pas à la règle. Celui du Dr Nox, par contre, manque un peu d’épaisseur, peut-être parce qu’il n’a pas toute le place qu’il lui faudrait… Cent-cinquante pages, est-ce trop court ? Non, bien sûr ! J’ai lu pas mal de bouquins qui, dans ce même format, donnaient beaucoup plus que celui-ci.

J’ai beau aimer Cécile Coulon (et les romans d’anticipation), Le Rire du grand blessé ne rentrera pas dans les livres que je conseille. Le sujet est pourtant intéressant et l’angle choisi tout autant, mais il manque une véritable vision de cette société dystopique et les personnages secondaires restent flous, alors qu’ils sont la chair même de cette communauté.

Pour moi, ce récit est un exercice de travail assez réussi au niveau du développement de l’idée de départ − le contrôle du livre −, mais il reste un exercice et manque cruellement de profondeur pour en faire un roman. Et c’est d’autant plus décevant quand on sait de quoi l’autrice est capable !



P.E.A.

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