Le musée du silence

 

Yôko Ogawa

Actes Sud. 2003.

Traduit du japonnais par Rose-Marie Makino-Fayolle.






4e de couverture :

Un jeune muséographe vient d’entrer en fonction dans un manoir aux confins du monde. Sous la direction d’une vieille femme plutôt étrange, il devra recenser, agencer, mettre en scène une véritable collection d’objets, de reliques du quotidien, de vestiges d’une intimité disparue et pourtant soutirée depuis des années aux défunts du village voisin. Car ces objets ont un seul point commun : ils furent tous volés quelques heures après la mort de leur propriétaire…

Empreintes du temps qui passe, variations autour de la mémoire, accumulations, obsessions : la mission de cet homme est complexe car le musée du Silence devra être à la hauteur des souvenirs de la vieille dame…



Mon avis :

La littérature étrangère peut nous sembler plus ou moins abordable, selon que son origine soit proche ou éloignée, culturellement, de nos us et coutumes, mais dès lors que l’on aborde les rives d’une civilisation qui reste, pour beaucoup d’entre nous, encore mystérieuse, il convient de rester humble et de se laisser porter.

Avec Le musée du silence, c’est chose assez aisée, puisque ce récit se déroule comme un long fleuve mélancolique entre les rives insolites et poétiques d’une histoire qui n’en finit pas de nous surprendre. Non par de multiple rebondissement, mais par ce décalage culturel, justement, qui nous oblige à regarder les choses différemment.

Nous ne sommes pas dans le fantastique, ce n’est pas le créneau de Yôko Ogawa, mais l’autrice se plaît à entretenir une certaine étrangeté en décrivant des faits et situations vraiment peu ordinaires, comme si c’était la chose la plus banale qu’il soit. En tout cas, c’est ainsi que les personnages semblent les vivre. Il faut dire qu’eux non plus ne ressemble pas au premier quidam croisé en bas de chez vous ! Ils n’ont d’ailleurs pas de nom, on les distingue par leur fonction : Il y a le jeune muséographe (le narrateur), la vieille femme acariâtre (son employeur), la demoiselle (la fille adoptive de la vieille femme), le jardinier, la femme de ménage (épouse du jardinier) et quelques personnages secondaires dont certains semblent sortis d’un conte ancien. Tous restent en partie mystérieux, comme s’ils n’étaient dévoilés qu’à travers un voile vaporeux qui rendrait flous leurs contours, mais plus claire leur intériorité.

Pour apprécier pleinement ce roman, il convient donc de se laisser envahir par son atmosphère si particulière, sans résister ; elle paraît d’abord délicate et douce comme de la ouate, mais à l’instar de cette matière, elle peut très vite devenir étouffante. En avançant dans cette histoire, on arrive à se demander si le jeune homme n’est pas devenu prisonnier de ce travail qui représente pour lui un paradoxe : son boulot est de rassembler des objets pour en garder la mémoire alors que lui-même vit dans le déni et l’oubli.

Profond et poétique, ce livre est une petite merveille de délicatesse pour qui saura se laisser gagner par cette plume hors des sentiers battus.

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