Véronique Ovaldé
Flammarion. 2023.
4e de couverture :
« Elle aurait pu renoncer. Elle aurait dû renoncer.
Elle se répéta bien un million de fois toutes les années qui suivirent. Elle eut d’ailleurs une hésitation, peut-être valait-il mieux rester, se rallonger dans la chambrée, à écouter ses deux autres sœurs qui gesticulaient dans leur sommeil, pétaient et miaulaient sous leurs draps à cause de leurs rêves lascifs tout juste pubères. Peut-être valait-il mieux abdiquer, enrager, et se délecter de sa rage, puisqu’il y a un plaisir dans l’abdication, cela va sans dire, le plaisir tragique de la passivité et du dépit, le plaisir du drapage dans la dignité, on ne nous laisse jamais rien faire, on a juste le droit de se taire, on nous enferme, alors que les autres là-bas au loin s’amusent et se goinfrent, qu’est-ce que j’ai fait dans mes vies antérieures pour mériter ça, oh comme je suis malheureuse.
Peut-être aussi que le jeu n’en valait pas la chandelle. Mais le jeu, n’est-ce pas, en vaut rarement la chandelle. Le jeu n’est désirable que parce qu’il est le jeu. »
Véronique Ovaldé, à travers l’histoire d’une famille frappée par une mystérieuse tragédie, ausculte au plus près les relations que nous entretenons les uns avec les autres et les incessants accommodements qu’il nous faut déployer pour vivre nos vies.
Mon avis :
Il y a des moments, comme ça, où l’on se dit : « mais où étais-je, dans quel trou dans l’espace-temps étais-je tombé ? »
Véronique Ovaldé écrit depuis maintenant plus de vingt ans, et je n’en savais rien ! Enfin, jusqu’à ce que je tombe sur ce roman, son dernier en date. Mais pourquoi, me direz-vous, pourquoi cet air agacé à cette découverte ?
Eh bien parce que cette lecture m’a vraiment emballé au plus haut point et que je ne comprends pas comment j’ai pu passer à côté de cette autrice, jusqu’à aujourd’hui ! Bon, d’accord, je m’emballe. Rien ne dit que ces précédents ouvrages sont du même acabit. C’est vrai, alors, concentrons-nous sur celui-ci.
Fille en colère sur un banc de pierre est l’histoire d’un drame familiale qui a fait éclater la sororité et a écarté l’une des sœurs du berceau natal. La mort du patriarche les réunira à nouveau, quinze ans plus tard. La tragédie initiale a laissé des cicatrices chez chacune d’elles, et pour la sœur prodigue, ce retour est aussi l’occasion d’obtenir les réponses qu’elle attend depuis si longtemps.
Voilà pour le pitch… et ça pourrait presque paraître banale, une histoire déjà vue ailleurs. Tragédie, secrets, conflits familiaux, voilà des ingrédients qui n’ont rien d’extraordinaire.
En y réfléchissant, c’est le cas de bien des recettes, et ce qui fait la différence, c’est le talent du cuisinier. Ou de l’autrice, dans le cas qui nous intéresse. Et Véronique Ovaldé n’en manque pas, pour être capable d’écrire des phrases aussi longues sans jamais nous perdre ! Mais ce qui a le plus réjouit mes yeux de lecteur, c’est la façon dont elle se place par rapport à ses personnages : exactement à la bonne distance, avec juste ce qu’il faut de recul et d’empathie. Témoin, sans jamais être voyeur ; compère, mais pas complice. Et cela donne une acuité particulière qui rend particulièrement fine la description des faits comme des sentiments qui les accompagnent.
Pour tout vous dire en employant une expression à la mode, ce roman m’a vraiment fait un effet « waouh ! » Alors, si comme moi, vous étiez passé à côté de cette autrice, il est encore temps de vous rattraper, ce livre est dans nos rayons…
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