Dany Laferrière
Zulma. 2020 (première édition : 1985).
4e de couverture :
Dans la moiteur de l’été, deux jeunes hommes paressent dans une chambre poisseuse de Montréal. Ils boivent, mangent, rient, lisent et baisent quand ça se présente. Et ça se présente, car la drague est joyeusement efficace.
Torse nu sur son divan, l’un écoute Charlie Parker et Archie Shepp en philosophant, quand il ne dort pas trois jours l’affilée. L’autre rêve de devenir écrivain, il lit Baldwin, Hemingway, Henry Miller ou Bukowski, et s’extasie devant l’appétit sexuel des jeunes filles sérieuses. Ils dissertent sur la beauté et l’origine du désir, sur les blanches et le Nègre. Et ça fait des étincelles dans un grand éclat de rire jazz.
Machine à écrire, ruban neuf, papier immaculé : la vieille Remington 22 qui a appartenu à Chester Himes est riche de promesses… L’écrivain est en route !
Trente-cinq ans après sa parution, le premier roman de Dany Laferrière n’a pas pris une ride : hautement incisif, terriblement insolent, irrésistiblement drôle. Un hymne à la littérature en mouvement.
Mon avis :
Oui, en 2022, le titre pourrait heurter la « bien-pensance » ambiante, mais je rappelle que ce livre a été écrit en 1985 et j’espère que les censeurs de la pensée unique ne lui imposeront pas le même sort qu’au roman d’Agatha Christie (Dix petits nègres). Bannir ce mot (qui vient de l’espagnol « negro », noir en français) n’empêchera pas les racistes de haïr les noirs et ils trouveront toujours d’autres mots pour tenter de rabaisser ceux qu’ils n’aiment pas.
Pour rappel, également… Dany Laferrière est noir, originaire d’Haïti. Il est également académicien.
Mais parlons plutôt de ce premier roman que les éditions Zulma ont eut la bonne idée de rééditer. Depuis trente-sept ans, il s’en est dit déjà beaucoup de bien, et je n’irai pas dans un autre sens, pour la seule et bonne raison que j’ai pris un grand plaisir à cette lecture.
Certes, c’est un premier roman, et comme souvent dans ces cas-là, les influences sont encore très visibles. Je pense notamment à Miller et Bukowski, largement cités par l’auteur.
À la manière de ses illustres aînés, Dany Laferrière use d’un langage cru et volontairement provocateur pour parler de sa vision de la société québécoise des années 80. Ce qui le diffère de ses inspirateurs, c’est sans doute sa « négritude », et le regard un peu décalé, nonchalant, qu’il porte sur ses contemporains. Il en résulte un ton marqué par un humour acide où les clichés autour des noirs et de leur sexualité servent de fil rouge à cette tragi-comédie.
Lorsque ce bouquin est sorti, en 1985, il a beaucoup marqué parce qu’il était le premier roman écrit par un noir à oser casser les codes et représenter d’une manière aussi brute la situation des noirs au Québec, entre réalité et idées préconçues.
Dire qu’il n’a pas pris une ride est sans doute un peu exagéré, mais il reste tout à fait pertinent, et surtout extrêmement réjouissant à lire.
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