L'invention des corps


Pierre Ducrozet





4e de couverture :
Dès les premières pages, L’invention des corps s’élance dans le sillage d’Alvaro, jeune prof mexicain, surdoué de l’informatique, en cavale après les tragiques événements d’Iguala, la nuit de 26 septembre 2014 où quarante-trois étudiants disparurent, enlevés et assassinés par la police. Rescapé du massacre, Alvaro file vers la frontière américaine, il n’est plus qu’élan, instinct de survie. Aussi indomptable que blessé, il se jette entre les griffes d’un magnat du Net, apprenti sorcier de la Silicon Valley, mécène et apôtre du transhumanisme, qui vient de recruter une brillante biologiste française. En mettant sa vie en jeu, Alvaro s’approche vertigineusement de l’amour, tout près de trouver la force et le désir d’être lui-même.
Exploration tentaculaire des réseaux qui irriguent et reformulent le contemporain − du corps humain au World Wide Web −, L’invention des corps cristallise les enjeux de la modernité avec un sens crucial du suspense, de la vitesse et de la mise en espace.
Il y a une proportion élevée de réalité dans cette histoire étourdissante, sans doute sa part la plus fantastique, la plus effrayante. Mais c’est dans sa foi butée, parfois espiègle, en l’être humain que ce roman d’alerte déguisé en page turner puise son irrésistible force motrice.


L’auteur :
Pierre Ducrozet est né en 1982, à Lyon. Après avoir vécu à Paris et Berlin, il réside aujourd’hui à Barcelone. Sa carrière littéraire commence en 2010, avec Requiem pour Lola rouge, qui obtient le prix de la Vocation.
Vient ensuite La vie qu’on voulait, en 2013, puis le très remarqué Eroica, finaliste du prix de Flore, en 2015, prix que l’auteur décroche avec L’invention des corps, en 2017.


Mon avis :
Le roman s’ouvre sur les événements bien réels du 26 septembre 2014, à Iguala (Mexique), et la fuite d’Alvaro, que l’on suit presque « en direct ». C’est du moins l’impression que nous donnent des choix narratifs un peu déroutants, au premier abord : au rythme des péripéties du jeune professeur, le tempo s’accélère parfois, et comme les pensées qui se bousculent dans sa tête, l’écriture en oublie la ponctuation, accentuant ainsi l’impression de chaos, et saute d’un fait réel à un souvenir à la façon des associations d’idées, sans que le rapport apparaisse immédiatement.
Cela m’a surpris, au début, voire un peu dérangé, mais une fois acceptée cette construction particulière (heureusement utilisée avec parcimonie), j’ai pu apprécier pleinement la qualité de cet ouvrage.
Comme il est dit en quatrième de couverture, la réalité − à travers certains personnages que l’on croise, par exemple − est le roc sur lequel cette fiction se construit. La tangibilité des faits racontés donne toute sa force à la prospective que l’auteur nous propose, et fait parfois résonner ce récit comme un sinistre avertissement.
Bien que n’étant pas classée dans la catégorie « science-fiction », il est beaucoup question de science, dans cette fiction, et ce n’est pas non plus un roman d’anticipation, parce que c’est d’aujourd’hui qu’il s’agit. D’aujourd’hui et des lendemains immédiats. Mais comme on y parle entre autres choses de techniques et d’informatique, les plus réfractaires craindront peut-être de ne pas suivre… Ils auraient tort de se priver de cette lecture ! D’abord, l’auteur réussit à faire passer un grand nombre d’informations sans jamais nous perdre avec des termes trop techniques, ensuite, loin de se cantonner à cet aspect « scientiste », il s’intéresse surtout au côté humain de l’évolution de la société à travers des personnages au parcours singulier, qui tous, à leur manière, s’interrogent sur eux-mêmes et leur devenir.
L’invention des corps parle de la confrontation des êtres et de la technologie, et de la prise de conscience qu’elle suscite en repoussant les frontières de la représentation du réel.
C’est dense, intense, profond, mais soutenu par une écriture solaire et joyeuse qui nous accroche et donne envie de continuer de voyage bien après la dernière page.

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