Animaux solitaires

 

Bruce Holbert

Gallmeister. 2013.

Traduit de l’américain par Jean-Paul Gratias.






4e de couverture :

Comté de l’Okanogan, État de Washington, 1932. Russel Strawl, ancien officier de police pour le compte de l’armée, reprend du service pour participer à la traque d’un tueur laissant dans son sillage des cadavres d’Indiens minutieusement mutilés. Ses recherches l’entraînent au cœur des plus sauvages vallées de l’Ouest, là où les hommes qui n’ont pas de sang sur les mains sont rares et où le progrès n’a pas encore eu raison de la barbarie. De vieilles connaissances croisent sa route, sinistres échos d’une vie qu’il avait laissé derrière lui, tandis que se révèlent petit à petit les noirs mystères qui entourent le passé du policier et de sa famille.

À l’instar des romans de Cormac McCarthy, Animaux solitaires mêle avec brio les codes du western et ceux des plus grands romans noirs. Un premier roman remarquable dont on ne pourra oublier le héros mélancolique qui rêve d’imposer sa justice aux confins de la civilisation. Quel que soit le prix à payer.



Mon avis :

Si l’on pose la question de savoir qu’est-ce que le roman noir, pas sûr que la réponse soit beaucoup plus claire… Le genre n’aurait-il pas commencé dès le XIXe siècle, avec « Les mystères de Paris », d’Eugène Sue ou même « l’Assommoir », d’Émile Zola ? Ou bien seulement dans les années 1920, aux États-Unis, avec Dashiell Hammett, Chester Himes ou Frederic Brown ?

Quoi qu’on en pense, tous ces auteurs ont en commun d’avoir parlé des problèmes de société de leur époque dans des histoires à intrigues. Et peut-être aussi d’avoir des « héros » pas toujours recommandables !

De ce côté-là, Animaux solitaires tient toutes ses promesses. Son « cowboy » solitaire, Strawl, n’a rien du chevalier blanc et derrière son masque de justicier, se cache une âme bien tourmentée. Quant au meurtrier qu’il recherche, est-il réellement pire que tous ces représentants de la loi lancés après lui ?

Bruce Holbert plonge sa plume dans cette noirceur et nous entraîne dans un « far west » près de disparaître, où la modernité n’est représentée que par un barrage, quelques automobiles et de rares lampadaires. 1932, ce n’est plus vraiment le temps du western, sauf dans quelques vallées reculées. Mais ce roman ne se réduit pas à ce genre, et s’il tient aussi du polar − Strawl enquête sur un meurtrier en série −, la résolution de l’affaire passe au second plan (elle est d’ailleurs assez prévisible). Dans ce cheminement (au propre comme au figuré), ce n’est pas le but qui compte, mais le chemin que l’on suit.

Et ce voyage se fait dans une nature encore sauvage dans laquelle l’enquêteur se fond au point de retrouver sa propre animalité. Strawl chevauche en compagnie de son fils adoptif, de sang indien, qui se voudrait prophète et réécrit les citations bibliques à sa sauce. Tous les ingrédients sont réunis pour une réflexion autour de la violence de la nature et celle des hommes, dans un monde où la civilisation impose celle du progrès…

Le parcours des deux hommes, essentiellement méditatif, est parfois secoué par une violence brute, et c’est cet ensemble qui rend ce roman absolument captivant.




 

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