Francesco
De Filippo
Traduit de l’italien par
Serge Quadruppani
4e
de couverture :
Peut-on gagner sa vie sans
être mafieux quand on naît dans les quartiers populaires de
Naples ? À 21 ans, Gennaro le voudrait bien. Mais le voilà
convoqué par don Rafele, le parrain du quartier − et pas
seulement du quartier, comme le garçon va le découvrir. Placé sous
la surveillance de Paolino, l’effroyable colosse aux baroques
pulsions, il connaîtra de près, dans leurs hideux détails, les
trafics mondiaux de drogues, d’armes, d’êtres humains. Sa route
croise celle d’agitateurs camorristes au service du maire, d’une
tribu africaine avec son roi et son lion régnant sur les souterrains
de la ville, d’une putain sud-américaine miraculeusement pure,
d’une mère écrasée par l’élimination de son jeune enfant qui
a vu ce qu’il ne devrait pas voir.
Gennaro se détache de sa
femme et de ses deux enfants, et quand éclate la guerre des clans,
le gamin des rues, l’as des virées en scooter se transforme.
Servi par la riche et
savoureuse langue du petit peuple napolitain, ce récit nous plonge
dans les entrailles noires du Système planétaire, avant de nous
amener sur les toits d’une des plus belles cités du monde, d’où
Gennaro cherchera la possibilité d’une rédemption.
L’auteur :
Francesco
de Filippo
est né à Naples en 1960.
Journaliste pour l’ANSA
(l’équivalent italien de l’AFP) depuis 1986, il a travaillé
pour différentes rédactions à Naples, Rome, ou Gênes et a
effectué de nombreux voyages comme correspondant, aussi bien en
Italie qu’a l’étranger.
En
France, les lecteurs le découvrent avec Le
Naufrageur,
son troisième roman, qui
raconte le quotidien d’un enfant de l’Albanie des années 80.
L’offense
est
sorti en France en 2011.
Mon
avis :
Voici un roman qui pourrait
rebuter quelques lecteurs, à cause de cette « riche et
savoureuse langue du petit peuple napolitain ». Tout un livre
écrit dans un argot, ou plutôt, en ce qui concerne celui-ci, la
traduction d’un argot auquel nous ne sommes pas accoutumés, cela a
de quoi décourager un peu.
Ça serait dommage ! Une
fois ce langage appréhendé, l’ouvrage de Francesco de Fillipo
ne manque pas d’intérêt.
Attardons-nous
sur le style narratif : l’auteur a pris le parti d’un récit
à la première personne, par un jeune issu des quartiers pauvres de
Naples qui
s’exprime dans cet argot particulier, du moins dans les limites de
son éducation et de son manque de culture. Ça peut paraître
gênant, mais c’est en lien
direct avec la question de fond de ce roman : dans un
environnement où la loi est dictée par la mafia, où la corruption
est une règle de survie, quelle chance a un jeune né dans un milieu
défavorisé de s’en sortir, de ne pas rejoindre le clan des plus
forts ?
En
choisissant de raconter cette histoire par la voix de Gennaro,
l’auteur nous invite à une
visite « non censurée »
du
monde des mafiosi, vu
à travers le regard candide d’un jeune homme qui pense n’avoir
d’autres choix que de subir. Gennaro
est très
bas, sur l’échelle de l’organisation, les deux pieds dans la
fange, au plus près des pires exactions, témoin de la folie des
hommes amenés à commettre des abominations.
Il en viendra à se demander
s’ils se livrent à ses horreurs parce qu’ils sont fous, ou si ce
sont leurs actes qui les ont rendus fous…
La
mafia a souvent été décrite, dans les livres ou au cinéma, mais
le plus souvent, on nous parle de cette organisation criminelle à
travers ceux qui la dirigent. L’offense
nous montre ceux qui la composent, les « petites gens »
qui, parfois, font des petits boulots juste pour quelques billets qui
leur permettront de survivre ; on
y voit la façon dont ils deviennent malgré eux des pions d’un
cartel qui les rend redevables pour mieux les contrôler.
Mais
ce roman n’est pas seulement une peinture de l’empire du crime,
c’est avant tout l’histoire de Gennaro qui, par faiblesse, va
côtoyer le mal et s’en
faire le serviteur, au risque de perdre non seulement sa femme et ses
enfants, mais aussi sa propre personnalité. Mais n’est-ce pas
justement ce déficit de personnalité qui l’entraîne vers le
fond ? Car il faudra qu’il atteigne
les mondes les plus sombres
avant de chercher la rédemption.
Un
roman noir, très noir, au bout duquel brille une petite lueur
d’espoir…
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