Le cycliste de Tchernobyl


Javier Sebastián
Traduit de l’espagnol par François Gaudry




4e de couverture :
Un vieil homme hagard, entouré de sacs remplis de vêtements, est abandonné dans un self-service sur les Champs-Élysées. « Ne les laissez pas me tuer », c’est tout ce qu’il sait dire.
Pripiat, ville fantôme, à trois kilomètres de la centrale de Tchernobyl : dans les rues désertes, entre la grande roue neuve et les autos tamponneuses abandonnées, pas âme qui vive. Sauf les samosiol, ceux qui sont revenus dans la zone interdite. Laurenti Bakhtiarov chante Demis Roussos devant la salle vide du ciné-théâtre Prometheus, deux Américains givrés testent les effets de la radioactivité sur leur corps… Au cœur d’une apocalypse permanente, Vassia, le cycliste, croit encore à la possibilité d’une communauté humaine.
Ce roman magistral est librement inspiré de la vie de Vassili Nesterenko, physicien spécialiste du nucléaire, devenu l’homme à abattre pour le KGB pour avoir tenté de contrer la désinformation systématique autour de Tchernobyl.
Des paysages hallucinés aux aberrations du système soviétique, Sebastián signe un texte d’une force rare, à la fois glaçant et étrangement beau, hymne à la résistance dans un monde dévasté.


L’auteur :
De son vrai nom Javier Sebastián Luengo, cet auteur espagnol est né à Saragosse en 1962. Il y a étudié la philologie hispanique. Il vit aujourd’hui à Barcelone. S’il a écrit plusieurs romans et nouvelles, Le cycliste de Tchernobyl est le seul qui a été traduit en français (en 2013). En Espagne, ce titre a remporté le prix Calamo en 2011. Il a également eu le Prix européen du roman en 2014.


Mon avis :
Ce petit roman est un bonbon fourré : sous la surface d’une histoire sucrée à humour pétillant, on découvre une garniture plus sombre, dont les ingrédients peuvent laisser un arrière-goût aussi amer que le plutonium. Du moins, je me plais à imaginer que le plutonium dégage ce genre de saveur…
La vie romancée de Vassili Nesterenko est racontée selon trois registres  : sa rencontre, en France, avec un Espagnol en convention pour les poids et mesures, peu de temps avant son décès (2008), et son activité en URSS, en deux périodes, au moment de la catastrophe de Tchernobyl, où il s’occupe des retombées immédiates de l’accident, et plus tard, quand il est forcé de se réfugier dans la ville fantôme de Pripiat, à quelques kilomètres de la centrale.
Si l’on peut reprocher à ce livre quelques passages un peu trop didactiques, notamment lorsque le narrateur (l’Espagnol) enquête sur ce vieil homme qu’il a pris sous sa protection, ceux-ci sont néanmoins nécessaires et apportent un contrepoint de réalité crue dans ce récit empreint d’une joyeuse loufoquerie, malgré la gravité du sujet.
Dans cette ville abandonnée où il se réfugie pour échapper aux agents des services secrets, Vassia (diminutif de Vassili) s’aperçoit qu’il n’est pas tout seul : d’autres gens sont revenus vivre à Pripiat, chacun avec ses raisons ou sa déraison, et cette poignée de solitaires forme une communauté baroque, un peu bancale, où la réalité se confond avec les rêves et la folie. Car faut-il du courage ou de la folie, pour rester à Pripiat ?
Menacé par le gouvernement russe, poursuivi par le KGB, Nesterenko a dû fuir Minsk, puis Pripiat et Paris… Fuir pour continuer à se battre, à dénoncer les mensonges d’état et les non-dits politiques…
Ce sublime roman au ton décalé, profondément humaniste, est tout à la fois une dénonciation des dangers du nucléaire − cette énergie que l’on dit propre, mais qui peut empoisonner la terre pour des milliers d’années −, et un hymne à la capacité de l’être humain à se réinventer, à créer du beau même dans la plus sombre des situations.

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