L'ange des ténèbres


Caleb Carr
Traduit de l’anglais (américain) par Jacques Martinache




4e de couverture :
New York, juin 1897. Une année s’est écoulée depuis que le brillant Laszlo Kreizler − un aliéniste selon le vocabulaire de l’époque − a réussi avec l’aide de ses fidèles compagnons à mettre un terme aux exactions du tueur en série John Beecham.
Aujourd’hui Kreizler et ses amis ont repris leurs activités en s’efforçant d’oublier l’horreur de l’affaire Beecham. John Schuyler Moore est toujours chroniqueur au New York Times ; l’indomptable Sara Howard a créé une agence de « services pour femmes » dont elle est l’unique détective ; les frères Isaacson continuent de se chamailler dans l’exercice de leurs fonctions d’inspecteurs de police, tout en ayant recours à des méthodes scientifiques d’avant-garde ; Cyrus Montrose et Stevie Taggert, le grand Noir mélomane et l’impétueux gosse de la rue, sont restés au service de l’aliéniste.
Mais, un jour, l’épouse éplorée d’un diplomate espagnol engage Sara pour lui venir en aide : sa petite fille a été enlevée. L’affaire est délicate et la piste politique paraît la plus vraisemblable. L’Espagne et les États-Unis étant sur le point d’entrer en guerre pour la possession de Cuba, ce rapt pourrait avoir de graves conséquences. Immédiatement l’équipe de l’aliéniste se reconstitue pour soutenir le détective dans son enquête.
Des bas-fonds du Lower Est Side aux décors feutrés de restaurant Delmonico, les fins limiers vont bientôt recueillir de précieux indices. De déductions en analyses, le profil psychologique du kidnappeur apparaît peu à peu sur le grand tableau noir de Laszlo Kreizler. Un être dont les mobiles ne sont pas politiques, une personnalité en proie à une étrange perversion, un tueur d’enfants ayant toutes les apparences de la normalité.
Il faudra le courage de Stevie, la force de Cyrus, le savoir-faire des frères Isaacson, l’intuition de Sara, l’obstination de Moore et le génie de Kreizler pour réunir les preuves indubitables qui feront du suspect un coupable. Avant qu’il ne soit trop tard…
Peinture fascinante de la grande cité américaine au seuil de l’époque moderne, thriller psychologique raffiné, L’ange des ténèbres confirme l’immense talent de Caleb Carr.


L’auteur :
Né à Manhattan (New York) en août 1955, Caleb Carr est romancier, scénariste et historien militaire.
Il grandit dans le quartier de Greenwich Village. Son père, Lucien Carr, est une figure de la Beat Generation. Il fréquente des gens comme Allen Ginsberg, Jack Kerouac ou William Burroughs. Caleb ne se reconnaîtra pas dans les idées prônées par ce mouvement et, après le divorce de ses parents, se passionnera pour l’histoire militaire.
Il suit des études supérieures au Kenyon College, dans l’Ohio, puis à l’université de New York, d’où il ressort avec un diplôme en histoire.
Il publie son premier roman (Casing the promised land) en 1979. Il reçoit le Grand Prix de Littérature Policière et le Prix Mystère de la Critique pour L’aliéniste, en 1996. Ce dernier est aujourd’hui adapté en série télé.
L’ange des ténèbres en est la suite. Il est sorti en 1997.


Mon avis :
L’ange des ténèbres fait suite à L’aliéniste, mais il en est totalement indépendant. Ce qui tombe bien, je n’ai pas lu le précédent ! Je n’ai pas non plus vu la série tirée de ce roman, mais j’avoue qu’après la lecture du deuxième volet, j’ai envie de connaître le premier, autant sous forme de livre que de feuilleton télévisuel.
Dans ce roman, nous sommes au tournant du siècle, en 1897. C’est le balbutiement de l’utilisation de la science dans les affaires criminelles. Les empreintes digitales ne sont pas encore reconnues comme preuve irréfutable. Du moins pas en Amérique. Pas plus que la balistique. Quant à la psychologie, elle est encore très loin d’avoir une réelle reconnaissance de l’administration juridique.
L’auteur s’intéresse particulièrement aux crimes commis par des femmes, et à leur impact sur la société. C’est donc très habile de sa part d’avoir formé ce petit groupe d’enquêteurs formé de deux flics, précurseurs de la police scientifique, une femme détective privée, engagée dans la lutte pour le droit des femmes et surtout, un psychiatre, ou plutôt, un aliéniste, comme on les appelait alors. Il y a également un journaliste qui cumule autant de qualités que de défauts (joueur, buveur, un peu macho et trouillard, mais généreux et entêté…), un grand noir balèze qui sait jouer du point, mais aussi du piano, et le narrateur, un gamin des rues que le docteur Kreizler a pris sous son aile. On a donc tout d’une véritable enquête policière, mais grâce à cette galerie de personnages, elle est abordée sous l’angle de la psychologie et sur un fond de critique sociale. Sans oublier, bien sûr, le contexte historique.
L’histoire à peine commencée, on connaît déjà la coupable… C’est donc sur la recherche de preuves que va se concentrer l’équipe d’enquêteurs. Et la compréhension de ce qui a poussé cette femme à commettre des crimes. Le récit, agencé de main de maître, nous promène dans le New York de cette fin du XIXe et la province environnante, à la rencontre d’une société qui n’est pas tout à fait passée dans le siècle de la modernité. Les vieilles croyances y ont la vie dure, et la lumière de la science a encore du mal à percer les ténèbres des préjugés et des superstitions.
L’auteur gère parfaitement la progression de son histoire, à la façon américaine, c’est-à-dire en suivant la recette. Le dosage des ingrédients (suspense/découvertes ; actions/descriptions…) est réalisé au quart de poil, le résultat est calibré dans les normes. Bien souvent, ce savoir-faire aboutit à un livre agréable à lire, mais un peu fade… Caleb Carr dépare légèrement dans ce lot, sans toutefois nous transporter vers les sommets de l’art littéraire. Ça reste quand même une peu trop lisse à mon goût. Il a surtout pour lui une belle galerie de portrait et une certaine originalité dans l’angle de vue, le tout dans une langue très dix-neuvième siècle où la verve du narrateur fait merveille.
Malgré mes réserves de lecteur exigeant, j’ai vraiment dévoré avec gourmandise ce pavé de 620 pages. Il est conçu pour plaire au plus grand nombre et réussit parfaitement sa mission, cependant, les qualités du récit l’emportent sur son côté « industriel », et après tout, avec ce genre de lecture, l’important n’est-il pas de se faire plaisir.

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