Tom
Robbins
4e
de couverture :
Dotée
à sa naissance des deux plus longs pouces du monde, Sissy Hankshaw
décide de devenir la plus grande auto-stoppeuse des États-Unis.
Partant ainsi à l’aventure, Sissy fera une série de rencontres
étonnantes qui transformeront sa vie : la Comtesse, magnat des
déodorants intimes ; Julian Gitche, l’Indien qui sera un
temps son mari ; le docteur Robbins, psychiatre farfelu. Et
surtout les cow-girls du ranch de la Rose de Caoutchouc qui
revendiquent l’égalité avec les hommes sous la conduite de la
belle et sauvage Bonanza Jellybean.
Dans
ce roman drôle et excentrique, Tom Robbins bouscule allègrement les
conventions morales et littéraires. De ce chef-d’œuvre de la
contre-culture, rien ni personne ne sortira indemne.
L’auteur :
Thomas
Eugene Robbins est un auteur américain, né le 22 juillet 1932 à
Blowing Rock, en Caroline du Nord.
Après
des études de journaliste à l’Université Washington and Lee, à
Lexington (Virginie), et son échec à obtenir le diplôme convoité,
il s’engage dans l’armée de l’air et sert pendant la guerre de
Corée. Rendu à la vie civile, il étudie l’art au Richmond
Professional Institute, puis il déménage sur la côte ouest et
devient journaliste pour le Seattle Times. Il vit depuis de
nombreuses années dans l’État de Washington.
Ses
livres sont un mélange détonnant d’étrangeté et de précision,
souvent raconté sur un ton acerbe, voire cynique, qui décrit avec
un regard amusé, parfois avec un brin d’arrogance, la société
contemporaine.
Même
les cow-girls ont du vague à l’âme (paru
en 1976 aux États-Unis) a été adapté au cinéma par Gus
Van Sant, en 1993, sous
le titre « Even Cowgirls Get the Blues », avec Uma
Thurman dans le rôle de Sissy Hankshaw.
Mon
avis :
Ceux
qui suivent Les lectures de Poljack m’ont vu bien des fois tacler,
plus ou moins gentiment, quelques auteurs américains dont la prose à
la rigueur toute académique est aussi susceptible de provoquer des
émotions que l’annuaire de la Creuse. Encore que pour l’annuaire,
je peux me tromper, je n’en ai lu que de très courts extraits !
Ce serait bien entendu aller un peu vite en besogne d’en conclure
que je loge toute la littérature américaine sur la même étagère…
Tant s’en faut ! J’ai parfaitement conscience que les
États-Unis ont produit quelques spécimens de ce qui se fait de
mieux en matière de contre-culture, et c’est justement de l’un
de ces délicieux fruits défendus que je veux vous entretenir.
Même
les cow-girls ont du vague à l’âme
n’est pas un petit dernier de l’année, puisqu’il accuse
le vénérable âge de quarante ans, pour la version française
(ajouter deux années pour la publication originale). Mais il y a des
œuvres qui ne vieillissent pas, et ce roman a vraiment gardé toute
sa fraîcheur, même si, sur
certains thèmes évoqués, les choses ont un peu évolué (mais pas
tant que ça !)
Là,
j’entends les grincheux grinçaient… « C’est quoi, ces
thèmes ? Encore un bouquin "prise
de tête"
qui parle de choses sérieuses ? À moins que ce soit un bouquin
sérieux qui parle de choses "prise
de tête" ! »
Rassurez-vous !
Si l’auteur aborde effectivement un certain nombre de sujets de
société, poussant même sa plume vers les contrées sauvages de la
philosophie et de la spiritualité, ce livre est loin d’être
ennuyeux (si tant est que se
poser des questions est ennuyeux). Je dirais même mieux : je
n’avais pas été aussi enthousiasmé par un roman depuis Le
dernier chasseur de sorcière,
de James Morrow.
Même
les cow-girls ont du vague à l’âme
est une
espèce de conte baroque où
l’on croise des personnages criants de vérité dans leur
loufoquerie qui ne repose parfois que sur un léger décalage.
L’histoire de Sissy Hankshaw, tout aussi extravagante, en
est le lien… un nappage goûteux sur un mille-feuille aux saveurs
surprenantes. Tenez ! Quelques extraits, pour vous mettre l’eau
à la bouche :
« Sur
les bords d’un lac marécageux dans un coin obscur des Dakotas, un
feu de camp souriait à en perdre les flammes. »
« Attendez.
Attendez un instant, s’il vous plaît. Même si nous sommes
d’accord que le temps est relatif, que ses conceptions les plus
subjectives sont aussi erronées que ses descriptions les plus
objectives sont arbitraires ; même si nous faisons tout ce que
nous pouvons pour nous extirper de son terrible flux (au point de ne
pas tenir compte lorsqu’un auteur demande "Attendez
un instant, s’il vous plaît",
car un moment n’est après tout qu’une petite miette de temps) ;
même si nous faisons vœu d’allégeance au hic et nunc ; ou
que nous considérons le temps comme une boîte vide à remplir de
notre génie, ou que nous restructurons les concepts que nous en
avons pour qu’ils correspondent au tic-tac sauvage de l’horloge ;
même comme ça, nous en sommes venus a attendre que, pour le
meilleur ou pour le pire, les livres que nous lisons présentent une
forme ou une autre d’ordre chronologique, car
la fonction de la littérature est de donner ce qui manque à la
vie. »
« Prairie.
N’est-ce pas un bien joli mot ? Il vous roule sur la langue
comme une petite lune grassouillette. Prairie doit être un des plus
jolis mots de la langue anglaise, même si c’est un mot français.
Il dérive du mot latin "pré",
plus un suffixe féminin. Une prairie est donc un pré femme. Elle
est plus grande et plus sauvage qu’un pré masculin (que le
dictionnaire définit par "pâturage"
ou "herbage"),
plus brute, plus océanique, et plus permanente, abritant un éventail
de vie plus vaste. »
Je
pourrais vous en citer
encore bien d’autres, tant ce roman regorge de trouvailles,
d’inventivité, d’images aussi folles que parlantes, parvenant à
nous faire oublier qu’il parle aussi de sujets plus sérieux, par une aérienne
profondeur. En fait, je
pourrais recopier tout le livre, tellement il me donne envie de
partager le plaisir que j’ai ressenti à sa lecture. Oui, Tom
Robbins nous parle de
notre conception du monde, mais c’est fantasque, gai, drôle (j’ai
ri, mais j’ai ri !), et à la fois profond. N’est-ce pas là
tout ce qu’on demande à la littérature ?
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