Appelle-moi Brooklyn


Eduardo Lago
Traduit de l’espagnol par André Gabastou




4e de couverture :
Néstor Olivier-Chapman, journaliste new-yorkais, enterre son ami, Gal Ackerman, écrivain torturé et alcoolique notoire, qui n’a jamais réussi à terminer son roman, Brooklyn, éparpillé dans des centaines de notes et de carnets. Il décide alors de le finir à sa place et de reconstituer son histoire éclatée : sa biographie complexe liée à la guerre civile espagnole et son histoire d’amour avec la jeune Nadia Orlov − car ce roman est aussi une déclaration d’amour à Brooklyn, la fille qu’ils n’auront jamais.
Edouardo Lago met ici en scène un couple excentrique, celui de l’écrivain et de son biographe, et ressuscite avec sensualité la mémoire, tant individuelle que collective.


L’auteur :
Eduardo Lago est né le 15 juin 1954, à Madrid, et vit aujourd’hui à Manhattan, New York. D’abord traducteur et critique littéraire, il mettra 20 ans à écrire son premier roman, Appelle-moi Brooklyn, qui remporte, en 2006, le Premio Nadal, le prix le plus ancien et le plus prestigieux de la littérature en Espagne.
Il dirige aujourd’hui l’institut Cervantès et donne des cours de littérature espagnole au Sarah Lawrence College de New York.


Mon avis :
Appelle-moi Brooklyn fait partie de ces ouvrages improbables, inclassables, qui ne séduiront que les lecteurs les plus exigeants, ceux qui cherchent dans la lecture un peu plus qu’un simple moment d’évasion facile.
« Facile » est d’ailleurs un mot qu’on évitera d’employer, pour décrire ce roman foisonnant comme une prairie en jachère, riche de mille histoires qui s’entremêlent, se chevauchent, se télescopent… Il faut souvent un temps pour réaliser qui, de Néstor Olivier Chapman ou de Gal Ackerman, est le narrateur du passage en cours. Même les dialogues ont perdu leurs repères et se promènent au milieu du texte sans guillemets ni tirets cadratins… Au début, c’est assez désorientant, mais on s’y fait assez vite, car malgré sa complexité de construction, l’écriture, riche et colorée, paraît couler de source et le vocabulaire utilisé, bien qu’étendu, ne cherche pas à épater la galerie par un étalage d’érudition. Et pourtant, il n’en manque pas, d’érudition ! De la guerre d’Espagne au Brooklyn des années 90, des anarchistes américains des années 20 à Paul Auster ou Norman Mailer, ce roman déstructuré se montre même plutôt roboratif.
Si la forme narrative est induite par l’histoire elle-même, celle du roman inachevé de Gal Ackerman, éparpillé dans de multiples cahiers, elle risque fort de perdre en route le lecteur lambda qui cherchera en vain une linéarité, comme une rampe pour le rassurer dans ce tourbillon de récits croisés. Les autres, ceux qui n’ont pas peur de l’inconnu, qui avancent sans qu’on leur tienne la main, les aventuriers de la chose littéraire… ceux-là descendront du manège éblouis, après avoir parcouru des espaces surprenants, croisé des êtres magnifiques de folie et des personnages trop vrais pour être beaux.
À n’en pas douter, ce livre en découragera plus d’un, mais ceux qui iront jusqu’au bout vivront un pur moment de bonheur littéraire.

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